OPERATION COBRA
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Haut Commandement inter-allié
– Quartier-général de Falaise --
Département des Opérations Spéciales
& Faits Signalés [DOSFS]
Objet : Rapport d’Activité Motarde Patriote Normande [AMPN]
Niveau de confidentialité : TRÈS SECRET
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A l’attention du Général Dwight Eisenhower
Commandant en chef du Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force.
Falaise, le 13 septembre 1944.
Mon Général,
Conformément aux instructions permanentes reçues par vos services en vertu de la note ALL/05/IKE/AMPN du 7 juin 1944, j’ai l’honneur de vous relater les faits suivants :
A votre demande, des recherches et investigations ont été effectuées afin de connaître la raison du retrait inexpliqué des troupes allemandes qui encerclaient la cote 175 nord tenue jusqu’au 20 août soir par la division blindée Polonaise du Général Maczek, position stratégique si il en est à la sortie de ce qu’on appelle maintenant « le couloir de la mort » entre Argentan et Mont-Ormel. Dans cette optique, de nombreux témoignages tant civils que militaires ont été collectés. Recoupés par nos services de renseignement militaire, ceux-ci aboutissent aux faits suivants :
Le dimanche matin, vers 8h30, nos effectifs infiltrés près de la petite ville de Vernon (Eure) encore sous zone allemande, nous indiquaient le passage d’une vingtaine de motocyclettes de marque et modèles inconnus.
Selon les relevés établis à l'aide des photographies réalisées par nos avions d'observation, le commando motorisé ainsi constitué a ensuite obliqué vers Pacy-sur-Eure puis aurait traversé Saint-André de l'Eure pour finalement parvenir à Damville (27). Il est intéressant de noter que grâce au relevé de l’une de nos sondes sonores lâchée au dessus de la zone ennemie de Damville (à hauteur de la chocolaterie Cluizel), il apparaît que les inconnus ont privilégié la vitesse à la furtivité: un moteur particulièrement bruyant - « pétaradant » est le terme exact utilisé par notre spécialiste en empreintes sonores- s'est nettement dégagé du groupe au sein duquel plusieurs agents portaient même des gilets jaunes (cf clichés photographiques).
Les traces suivantes nous amènent au centre-ville de Rugles (27) sur la terrasse arrière aménagée d'un établissement de boissons et offrant ainsi une parfaite dissimulation. Un unique témoin oculaire rapporte qu'à cet endroit, le commando aurait été rejoint par des complices venus eux-mêmes d'Evreux (27) ainsi qu'un couple dont "le réveil de combat n'aurait pas sonné" (sans plus de précisions).
C'est donc une petite trentaine de motocyclettes qui poursuit cette percée vers l'Aigle (61), saint-evroult-notre-dame-du-bois, Echauffour, Coulmer, Gacé... Les routes empruntées sont systématiquement des axes secondaires, de préférence en milieu fortement arboré, ce qui leur a manifestement permis d'échapper aux nombreuses patrouilles allemandes dans cette région... Celles-ci auraient d'ailleurs pu profiter d'un temps clair et d'une parfaite visibilité et non se fier aux prévisions météorologiques qui annonçaient un ciel couvert et de la pluie.
L'étape suivante a été la plus difficile à reconstituer: le commando motorisé se rapprochant de la zone de combat, les témoignages deviennent fragmentaires. Le groupe disposait manifestement d'un point de chute dissimulé autour de la petite ville de Camembert (à quelques kilomètres seulement de Mont-Ormel) où des armes et munitions à haute teneur chimique ont été attribuées à chaque combattant. Ce point est révélateur d'une très bonne organisation et d'un plan établi et rôdé longtemps à l'avance. Notre meilleur agent sous couverture, "Ruby5", nous a fait parvenir une note chiffrée indiquant que la cachette en question correspondrait à une propriété agricole "DURAND" et que les armes en question seraient composées de pâtes caillées ensemencées en bactéries lactiques puis ayant fermenté... bref, létales, chimiques, discrètes et rendues ainsi vraisemblablement dévastatrices…
La suite des opérations est plus embrouillée : après avoir semble t’il fait un crochet par Vimoutiers afin de piller lors d’un assaut éclair un dépôt d’essence allemand (Hïnter-marscher), nous retrouvons les traces du commando « camembert » près de Mont-Ormel à proximité de la position tenue héroïquement par nos alliés polonais.
Nous avons ici du nous contenter de témoignages de prisonniers allemands, durement choqués, qui relatent avoir entendu dans un premier temps un bruit terrifiant (« petaradung drei räden Grosse Bertha ») qui peut se traduire littéralement par « grosse bertha à trois roues pétaradante » suivi d’un bombardement massif de morceaux de pâtes caillées ensemencées en bactéries lactiques et de quelques bouteilles de crème de lait fermenté. S’en est suivi la déroute finale des allemands, achevés par l’arrivée des troupes alliées canadiennes…
A partir de là, nos héros anonymes disparaissent littéralement dans la nature normande. Ce qu’il convient d’appeler « le commando motorisé Camembert » aurait été aperçu plus tard le jour même dans un établissement douteux de Conches en Ouche, fêtant manifestement sa victoire dans l’ivresse de la boisson: cette donnée n’a pas été recoupée pour l’instant.
Conformément aux termes de la note ALL/05/IKE/AMPN, ces informations seront classifiées et conservées au secret jusqu’au terme de la durée légale, à savoir le dimanche 7 avril 2019.
Rédacteur :
Commandant Verdier
Chef du DOSFS
Vétéran des Jumeaux d’@frique.